Une université américaine, la George Washington University (GWU), a publié un rapport sur les opérations des Frères musulmans sur le Vieux Continent. Elle y révèle l’inquiétude des services de sécurité de sept pays européens et leur avis extrêmement négatif sur ce mouvement. Ce rapport, intitulé «Verbatim: What European Security Services Say About the Muslim Brotherhood in Europe» (non traduit en français), rédigé par Lorenzo Vidino, a été publié par le programme de recherche « Program on Extremism » de la GWU.
Le rapport regroupe les témoignages des services de sécurité de sept pays : l’Autriche, la Belgique, la France, l’Allemagne, les Pays-Bas, l’Espagne et la Suède. Selon l’auteur, ces services, à l’unanimité, portent un regard extrêmement défavorable sur les Frères musulmans en Europe. Ils s’inquiètent en particulier du « vaste réseau sophistiqué en lien avec les Fréristes qui opère en coulisses en Europe, tant au niveau national que pan-Européen, à travers son organisation faîtière, la FIOE (Fédération des organisations islamiques en Europe), devenue aujourd’hui le CME (Conseil des musulmans européens), mais aussi par le biais d’entités dérivées comme le FEMYSO (Forum des organisations européennes musulmanes de jeunes et d’étudiants).
Le rapport mentionne également une autre préoccupation : les activistes basés en Europe et en lien avec les Fréristes ont créé des organisations de façade qui leur permettent d’« opérer dans la société et de promouvoir leurs desseins sans pouvoir être aisément identifiés comme membres des Frères musulmans ». Même si le rapport ne mentionne pas d’activité terroriste, il souligne néanmoins que les Frères musulmans ont des points de vue et des objectifs « problématiques, subversifs, anti-démocratiques et incompatibles avec les droits humains fondamentaux et avec la société occidentale ».
Le rapport cite des témoignages directs de figures majeures, dont Lucile Rolland, qui était alors directrice du Service Central du Renseignement Territorial (SCRT) français.
Lucile Rolland s’était adressée à la Commission d’enquête parlementaire chargée de faire la lumière sur les attaques commises à la préfecture de police de Paris le 3 octobre 2019. Selon sa description, les Frères musulmans forment une « élite souhaitant irriguer complètement la société en entrant dans la vie publique, voire politique. Rassemblés au sein d’une fédération nationale, Musulmans de France, ils désirent clairement prendre le pouvoir par les urnes. Le lien entre les deux est donc une vision fondamentaliste de la religion, bien que la façon de l’exprimer ne soit pas la même : le but est de faire un jour que le pays dans lequel ils se trouvent soit régi par la loi de Dieu et non par la loi des hommes. »
La Sûreté de l'État, l'agence de renseignement belge, a déclaré dans son rapport de 2002 devant le Parlement belge : [« La Sûreté de l’État suit les activités déployées par les Frères Musulmans internationalistes en Belgique depuis 1982. Les Frères musulmans internationalistes disposent d’une structure clandestine en Belgique depuis près de vingt ans. L’identité des membres est secrète ; ils opèrent dans la plus grande discrétion. Ils cherchent à répandre leur idéologie au sein de la communauté islamique de Belgique et ils visent plus spécialement les jeunes des 2ème et 3ème génération d’immigrés. En Belgique comme dans d’autres pays européens, ils tentent de prendre le contrôle d’associations sportives, religieuses ou sociales et d’organisations pouvant s’ériger en interlocuteurs privilégiés des autorités nationales, voire européennes, pour gérer le temporel du culte islamique. »
Vidino indique dans le rapport de la GWU que lors leurs communications publiques sur les Frères musulmans, les services de sécurité des sept principaux pays d’Europe de l’Ouest (à l’exception notable de l’Italie) ont tous rendu un avis extrêmement négatif. À sa connaissance, les évaluations de ces services n’ont pas été contredites, même modérément, par leurs homologues d’autres pays européens. Au contraire, ses entretiens avec la plupart des services de sécurité Européens au cours des vingt dernières années font ce constat : qu'ils se soient exprimés publiquement sur le sujet ou qu'ils s'en soient abstenus (ce dernier cas étant celui de l'Italie), tous portent un regard extrêmement négatif sur les Frères musulmans.
Vidino en conclut que cette période de vingt ans a fait émerger un consensus ferme et cohérent au sein de la communauté de la sécurité européenne concernant « la présence, la structure, les tactiques, les objectifs et en définitive la nature problématique des Frères musulmans en Europe ». Ce consensus a vocation à servir de fondement à une politique éclairée sur cet enjeu. Au vu du récent rapport du gouvernement français et d’un prochain rapport similaire annoncé par la Belgique, il semble que les pays européens se soient enfin décidés à adopter des mesures pour combattre cette menace avec détermination.