La question de la disparition de l'UE dans l'histoire est un avertissement opportun. Le Brexit l'a confirmé.
La situation de l'UE et de ses États membres est grave : ils sont confrontés à la guerre et aux conflits militaires à leurs portes, au déclin démographique, à la stagnation économique, à l'augmentation des dettes publiques, à la montée de la violence et de nouvelles idéologies, à la médiocratie et à une corruption fréquente au sein des institutions clés. Tout cela se produit simultanément, au lieu de se concentrer sur le bien commun. Au lieu de façonner l'avenir et le monde, ils préfèrent tous parler de consommation de l'avenir. Le progressisme progresse, mais l'Europe ne progresse pas.
Robert Schuman a laissé l'une des plus grandes inspirations politiques de l'histoire moderne. Véritable homme d'État au service de sa nation et d'une Europe pacifique, il a souhaité la France pour l'Europe et a reçu l'Europe en retour. Schuman avait une vision d'ensemble et un horizon à long terme. Sa foi chrétienne et sa profonde spiritualité ont été la source de son engagement indéfectible en faveur de la justice et du bien commun, nourrissant sa solidarité concrète et son action politique.
Il est urgent d’appliquer l’héritage de Schuman pour remettre l’Europe au centre de l’histoire humaine, de manière positive et inspirante, en façonnant notre avenir vers la paix, la sécurité et la prospérité.
Dignité
Jamais l'Europe n'avait autant disparu de l'histoire qu'en 1945, après une Seconde Guerre mondiale dévastatrice. Heureusement, nous avons eu des Pères de l'Europe courageux, courageux et travailleurs comme Schuman, Adenauer ou De Gasperi, qui ont refusé de collaborer avec les idéologies inhumaines du nazisme et du communisme, mais aussi de s'opposer au principe de revanche. Ils ont privilégié la réconciliation mutuelle entre nations en guerre constante. Les Pères fondateurs européens croyaient qu'une paix durable et véritable est le fruit de la réconciliation et de la justice. Pour eux, liberté, responsabilité et dignité humaines étaient indissociables.
Aujourd'hui, la justice est comprise comme le respect des droits fondamentaux des individus et des communautés. Or, le principe fondamental de nos droits est la dignité de la personne. La dignité humaine est un fait dont découlent nos droits et nos devoirs. Le respect de la dignité humaine de tous est un chemin vers la paix pour tous. Nous sommes tous égaux en dignité, mais tous différents en identité. C'est le principe essentiel de l'unité dans la diversité, devise de l'UE.
Robert Schuman et ses pairs – René Cassin, Jacques Maritain, Charles Malik, Eleanor Roosevelt, John Humprey, PC Chang et d'autres – ont amorcé le renouveau d'après-guerre en s'appuyant sur le pilier fondamental et la protection de la dignité humaine. À Paris, sous l'impulsion de la France, la DUDH a été adoptée en décembre 1948. La toute première phrase dit : « …la reconnaissance de la dignité inhérente et des droits égaux et inaliénables de tous les membres de la famille humaine est le fondement de la liberté, de la justice et de la paix dans le monde. »La dignité est mentionnée cinq fois dans la Déclaration.
Mais pour l'Europe, Schuman insista (non sans opposition) sur la création d'un système de droits de l'homme fondé sur l'État de droit supranational, plutôt que sur une approche plus déclaratoire de l'ONU. En mai 1949, à Londres, Schuman signa les Statuts du Conseil de l'Europe. Cette étape, dit Schuman, « a créé les bases d’une coopération spirituelle et politique, d’où naîtra l’esprit européen, le principe d’une union supranationale vaste et durable.
Le 9 mai 1950, le gouvernement français adopta la déclaration Schuman instaurant une Communauté européenne du charbon et de l'acier (CECA), fondée sur des principes supranationaux et ouverte à tous les pays libres. En novembre 1950, Schuman et onze autres dirigeants nationaux signèrent à Rome la Convention européenne des droits de l'homme.
Les racines d'une Europe unie ne sont pas le passé, mais le présent et l'avenir ! Nous devons revenir à nos racines, les revitaliser, nourrir la dimension spirituelle de notre être individuel et collectif (en tant que communautés et nations). À l'instar des pères fondateurs de l'Europe, nous devons comprendre la triple importance de la dignité humaine : point de départ, critère permanent et objectif incontournable de nos politiques. Le respect de la dignité de chacun, partout dans le monde, est un chemin vers la réconciliation, la paix et la stabilité.
L'Europe occidentale et orientale doit donc éviter les idéologies néfastes et clivantes. Elles ont besoin de dirigeants engagés, dotés d'une vision large et à long terme. Plus qu'une augmentation des dépenses d'armement et de défense, l'Europe a besoin d'une gouvernance mature, faite de sagesse, de courage et de persévérance pour construire l'avenir, et non pour le détruire au détriment des générations futures.
Union européenne
La CECA, l’Euratom et la CEE qui ont mené à l’UE actuelle représentent 75 années d’expérience, de solidarité pratique et d’apprentissage commun de la manière de vivre, de travailler et de marcher en paix.
Après la réconciliation franco-allemande et l'élargissement à six pays fondateurs, la proposition de la France de créer la Communauté européenne de défense (CED) a été signée par quatre États en 1954 mais a malheureusement été rejetée par les Français. Assemblée NationalePar la suite, les Communautés européennes ont été témoins et à l'origine de l'effondrement des dictatures militaires en Grèce, en Espagne et au Portugal, de la chute historique du mur de Berlin et de la disparition de l'Union soviétique et du communisme en Europe. Par la suite, elles sont devenues une Union de 27 membres, avec 10 pays candidats.
L’UE est devenue une puissance douce fondée sur l’attrait de la liberté, de la stabilité et de la prospérité.
Le Brexit a affaibli l'unité européenne tout en confirmant la liberté des membres de l'UE de sortir de l'Union. Cinq ans plus tard, nous constatons une nouvelle convergence entre Londres et Bruxelles. L'UE évoluait, se développait et se transformait en temps de crise (pétrolière, constitutionnelle, financière et, désormais, sécuritaire). Cela s'inscrit pleinement dans le plan Schuman, qui tablait sur une intégration progressive. Pour l'avenir, l'UE a besoin d'une intégration aussi poussée que nécessaire pour atteindre les objectifs communs de ses États membres et garantir autant de liberté que possible à ses citoyens.
Quatre objectifs sont actuellement très urgents :
- Premièrement, il faut soutenir au maximum la compétitivité de l'Europe par l'innovation technologique et systémique. L'innovation devient un impératif. L'Europe doit jouer un rôle majeur dans la Ligue des champions mondiale des nouvelles technologies, de l'enseignement supérieur, de la recherche appliquée et de l'innovation.
- Deuxièmement, compte tenu des défis actuels, 70 ans après l’échec de la proposition de CED présentée par le gouvernement français Pléven, il est temps de reconstruire une Union européenne de défense, fondée sur le traité de Lisbonne actuel, en utilisant la clause de coopération renforcée pour les États membres partageant les mêmes idées et prêts à agir.
- Troisièmement, l’Union doit maintenir un dialogue constructif et développer une coopération économique et commerciale bénéfique avec tous les partenaires et organisations importants, y compris les BRICS.
- Quatrièmement, l'élargissement immédiat de l'UE est une nécessité, et non une clémence de l'Occident envers l'Est. Je peux vous assurer que prix du non-agrandissement est bien plus élevé que les dépenses liées à l'élargissement. L'Union, avec tous ses nouveaux membres, est PLUS EUROPÉENNE, plus complète. La Première Guerre mondiale a commencé à Sarajevo. Par conséquent, une paix durable grâce à l'élargissement de l'UE doit également être rétablie à Sarajevo, dans les Balkans occidentaux et en Europe de l'Est.
Le rêve des Pères fondateurs était celui d'une Europe libre et unie, entière, de l'Atlantique à l'Oural, comme une seule communauté. L'effondrement de l'Empire soviétique a été une formidable occasion d'accélérer les travaux pour une paix durable en Europe. L'Occident a gagné la Guerre froide, mais pas la paix. La véritable paix entre les nations est bien plus que l'absence de confrontation militaire. Telle est notre tâche difficile et noble aujourd'hui.
La L'UE, partie active d'une nouvelle communauté Ouest-Est
Après la révolution de février 2014 à Kiev, une guerre civile a éclaté dans l'est de l'Ukraine. La Russie a pris le contrôle de la Crimée et la Seconde Guerre froide a débuté. En l'absence de véritables efforts politiques et diplomatiques, cette guerre a dégénéré en une guerre totale et tragique après l'invasion militaire russe du territoire ukrainien en février 2022. Au lieu de se rapprocher, nous assistons à une division entre l'Est et l'Ouest de l'Europe.
Cette guerre fratricide doit cesser au plus vite. Une solution pour une paix durable doit être créative et constructive, fondée sur la dignité des peuples des deux côtés de la ligne de front. Il ne s'agit pas de l'avenir des dirigeants politiques individuels. Ils vont et viennent. Mais les nations demeurent. Il y a 75 ans, une guerre tragique prenait fin. Les peuples aspiraient à la paix et à la stabilité. Aujourd'hui, la guerre n'est pas terminée, les massacres et les destructions continuent, les populations des territoires déchirés par la guerre souffrent et meurent. Elles aspirent et méritent la paix, elles aussi.
Une solution potentielle est à portée de main. On peut l'appeler le Plan Schuman n° 2. La Fondation Clémentine l'a élaboré ces deux dernières années, en organisant au Vatican des dialogues discrets entre personnalités d'Europe, des États-Unis, de Russie et d'Asie. Nous remercions l'Académie pontificale des sciences d'avoir partagé son espace et son hospitalité afin d'étudier et de mettre en pratique l'héritage du vénérable Schuman en ces temps difficiles.
Le rôle originel du rapprochement franco-allemand est désormais proposé à deux puissances militaires et politiques majeures de notre espace civilisationnel : les États-Unis et la Fédération de Russie. Nombreux sont ceux dans le monde qui ont identifié la guerre contre l'Ukraine comme une guerre par procuration entre les deux superpuissances nucléaires. À l'exception de deux périodes de guerre froide, les relations entre les deux pays ont été constructives et coopératives. La Russie a d'ailleurs soutenu l'indépendance des États-Unis. Les racines judéo-chrétiennes des deux camps devraient nourrir leur responsabilité mondiale en matière de paix et de sécurité. Le désir de prospérité est cher à tous, à l'Est, à l'Ouest, au Nord et au Sud.
La Fondation Héritage Clément Vénérable Schuman propose de créer des marchés communs pour les matières premières et ressources stratégiques des deux superpuissances. Il s'agit notamment des ressources énergétiques, y compris les infrastructures, les matières premières naturelles, les technologies de l'information et la propriété intellectuelle. La participation doit rester ouverte et être offerte à tous les pays et groupes de pays qui acceptent un tel accord exceptionnel, en premier lieu ceux d'Europe, d'Amérique du Nord et d'Asie centrale.
Une nouvelle communauté, reliant l'Alaska au Kamtchatka via l'Europe et l'Asie centrale, verra le jour, représentant un potentiel économique énorme et sans précédent. Elle pourrait jeter les bases de la Communauté de l'hémisphère Nord ou de la Communauté Ouest-Est. Ce Grand Accord entre deux superpuissances permettra de trouver plus rapidement et plus facilement un compromis acceptable et de mettre fin à la guerre en Ukraine. Il générera également des ressources pour une reconstruction dynamique de tous les territoires et infrastructures détruits. Les premières réactions à cette proposition, tant à l'Est qu'à l'Ouest, sont encourageantes.
Une paix durable en Europe est possible et urgente. Elle ne dépend pas d'un renforcement des armements, mais d'une politique créative et constructive et d'un leadership avisé des pays concernés, dont l'Union européenne et ses États membres. L'exemple et l'héritage de Schuman peuvent replacer l'Europe au cœur de l'histoire humaine, de manière positive et inspirante, et façonner notre avenir commun vers la paix, la sécurité partagée et la prospérité. C'est une tâche difficile, mais réalisable et gratifiante !